« JE SUIS EN PERMANENCE DANS L'ÉMERVEILLEMENT «
Qu'est ce qui a déclenché l'écriture de ce récit romancé « Un soldat presque exemplaire », tiré d'une histoire vraie ?
Quoi que je fasse je suis un homme de défi ! Depuis des années j'avais envie de me lancer dans l'écriture d'un livre, mais je voulais avoir l'intime conviction de pourvoir aller au bout. J'avais rencontré le soldat Stanislas cinq ans auparavant, et son histoire ajoutée au confinement de l'année dernière, m'ont donné le coup de pouce qu'il me manquait.
Vous qui êtes parrain des blessés de guerre de l'armée française, en quoi son parcours vous a particulièrement touché ?
Ce qui m'a fasciné ce sont les hauts très hauts d'un soldat au courage exceptionnel, et les bas très bas de son existence…comme cette nuit où il a failli tuer sa femme. C'est-à-dire la courbe sinusoïdale de son parcours. Je suis toujours frappé par l'idée qu'on puisse être un personnage d'exception d'un côté et quelqu'un de très peu recommandable de l'autre. Je voulais comprendre à quel point sa vie militaire a influencé sa vie personnelle, et lui donne presque des circonstances atténuantes. C'est ce que j'ai essayé de décrire, en montrant que la blessure psychique est une véritable blessure, même si elle ne se voit pas au premier regard.
C'est le message du livre…
Oui. En regardant une personne comme Stanislas, vous ne pouvez soupçonner à quel point elle est atteinte à l'intérieur de manière indélébile. Stanislas sait qu'il ne retrouvera jamais une existence identique à celle qui était la sienne, avant de souffrir de ce syndrome post traumatique, mais il doit être capable de composer et de vivre avec cette forme de handicap. J'aime voir qu'il est en train de se reconstruire sur une pente légèrement ascendante. Depuis quelques années l'armée française a pris conscience de ces blessures physiques et les prend en charge comme de véritables blessures et non pas des simples vues de l'esprit. Un blessé psychique c'est quelqu'un qui a un moment voit son trop-plein émotionnel déborder.
©Pascal Ito/Flammarion
A travers vos émissions ou vos podcasts « Vie d'Aventure », on ressent que les héros de la vie ordinaire vous passionnent.
C'est tellement intéressant de voir et de rencontrer des gens ordinaires qui ont un destin extraordinaire. Dans mon podcast, je passe de Matthieu Tordeur qui traverse seul l'Antarctique, à 30 ans à peine, en tirant un chariot de 120 kg, au milieu de nulle part, dans des conditions extrême… A Fabrice André, cancérologue devenu directeur scientifique de l'institut Gustave Roussy, un des plus grands spécialistes au monde du cancer du sein, qui grâce à ses recherches parvient à diminuer la mortalité. J'aime ces gens qui ont embrassé un destin qui fait d'eux des êtres à part. Je pense qu'on a tous en nous, une capacité à devenir extraordinaire, et j'essaye de comprendre, pourquoi certains d'entre nous sont capables de passer à l'action et de transformer leur talent en une vie d'exploit ou de découverte, qui dépasse totalement leur petite personne.
Vous avez un riche parcours personnel et professionnel, 30 ans de télévision, mais vous semblez avoir toujours la curiosité d'un enfant.
C'est l'histoire de ma vie ! Je ne suis jamais blasé. Je peux aller trois fois dans un endroit que je trouve beau, avec toujours le même plaisir. D'ailleurs mes enfants me le font remarquer ! (Sourire) J'avoue que je suis à un niveau d'émerveillement permanent et je sais que je serai comme ça jusqu'à mon dernier souffle. Je pense que pour être heureux dans la vie, il faut tout faire pour garder ce côté gamin aux yeux qui brillent. On a souvent des raisons d'être triste, déçu, révolté, et ces bons moments permettent de faire le plein d'ondes positives, pour mieux affronter la vie.
Je pense que les gens ont trop tendance à voir le verre à moitié vide plutôt qu'à moitié plein. Moi je me dis qu'il se rapproche des trois quarts, et cela m'aide à avancer, à me sentir plus heureux et serein.
Alors la lassitude ne vous guette pas…
Jamais et d'ailleurs j'ai vraiment du mal à m'entendre avec des personnes qui ne partagent pas ce sentiment d'émerveillement. C'est comme lorsque les gens me disent : « ah vous n'en avez pas un peu marre de Koh-Lanta ? » Je leur réponds : « vous vous rendez compte de ce que vous me demandez ? C'est une des émissions qui marche le mieux. En 20 ans j'ai fait le tour du monde. J'ai rencontré des gens extraordinaires. Je vis bien grâce à cette émission, alors, même si ce n'est pas indolore de laisser ma famille pendant six semaines pour partir en tournage, je réalise la chance que j'ai de vivre ces choses extraordinaires. Je me répète mais je pense que quelles que soient nos activités, ne pas être blasé accentue notre potentiel à être heureux.
Vous avez été maitre-nageur, GO au club Med, prof de tennis… Allier sport et voyage était votre objectif ?
J'avais surtout envie de vivre de ma passion, le sport. Ayant la lucidité de ne pas avoir les compétences physiques d'un sportif de haut niveau, je voulais trouver un moyen d'être en contact avec ces athlètes, d'où l'idée d'être journaliste de sports. Je me souviens de mon grand-père qui avait dit en voyant que j'avais les pieds plats : « s'il y en a un dont on est certain qu'il n'ira pas aux jeux olympiques c'est bien Denis ! ». Sauf que je suis le seul de ma famille à y avoir été, pas comme athlète mais comme journaliste. Avoir marché sur la pelouse de la finale de 1998, présenté la coupe du monde de foot en 2018, rencontré Karl Lewis, mon idole, Voilà ce qui m'a motivé...
En 20 ans qu'est-ce que Koh-Lanta vous a apporté ?
Koh-Lanta m'a permis d'assouvir ma passion du voyage, de découvrir des endroits exceptionnels, loin des canaux touristiques, de rencontrer des gens qui vivent différemment de nous, de ressentir des atmosphère… Je dis toujours que Koh-Lanta c'est du voyage, du dépassement de soi, de la compétition, de la survie et de la gestion humaine. Si l'on devait mettre bout-à-bout tout ce qui me constituent et qui fait que je suis heureux, il y aurait tous ces éléments-là.
Quel voyageur êtes-vous ?
Avec mes parents, adeptes de camping, j'ai eu la chance de découvrir la France, l'un des plus beaux pays du monde, avec ses côtes, ses montagnes, son désert, ses forêts.. Il y a tellement d'endroits merveilleux que j'adore. A18 ans je rêvais de prendre l'avion pour le bout du monde. Plus tard en famille avec mes enfants nous avons traversé le Canada, les Etats-Unis, la Grèce, le Mexique, façon road trip, en essayant d'allier un peu d'aventures roots, à parfois plus confort. Sur les tournages, j'aime m'évader à pied ou à vélo, pour me retrouver dans des endroits vierges de tout, avec une population locale qui n'est pas habituée à accueillir des touristes. Ce sont des moments extrêmement privilégiés qui me permettent de me ressourcer.
©Pascal Ito/Flammarion
Parlez-moi de la Polynésie française où se déroule la dernière saison de Koh-Lanta.
C'est juste merveilleux. J'ai vraiment adoré la Polynésie car c'est un endroit où l'on respecte la nature, où l'on a vraiment cette impression intense d'être loin de tout, à seulement 1h30 de bateau de Bora Bora qui est un haut-lieu touristique. Malgré les incroyables propositions des groupes hôteliers, les Polynésiens ont su préserver leur identité et c'est formidable.
Avez-vous une anecdote de voyage ou de tournage à partager ?
Un jour dans un village très reculé d'une petite île du Cambodge j'ai ressenti une effervescence inhabituelle près d'une maison. En m'approchant, j'ai compris qu'une femme était en train d'accoucher mais que cela se passait mal. J'ai alors proposé l'aide du médecin de Koh-Lanta. En une heure il était sur place faisant ce qu'il pouvait, mais en doutant du sort de la maman. On a alors conduit cette femme dans un hôpital où elle a mis au monde une petite fille qu'elle a prénommée « Chance ». Elles se portent bien tous les deux. Cela fait partie des belles histoires de tournage que je raconte, de ces moments où je me fonds dans les populations en tentant de me faire comprendre avec trois mots. Quand je me balade je ne suis pas le gars de la télé, je suis le mec avec son appareil photo ou son enregistreur, qui a envie de découvrir, écouter, partager, confronter des idées. C'est comme ça que je vis intensément le voyage et c'est extraordinaire.
Finalement vous sentez-vous un peu aventurier ?
Un Aventurier avec un A majuscule c'est quelqu'un qui a un potentiel extraordinaire, même avec une vie ordinaire. Quelqu'un qui est capable de risquer sa vie, de faire des choses en solitaire très complexes.... Et soyons bien d'accord, les aventuriers de Koh-Lanta sont des aventuriers de la télé ! Donc j'ai trop de respect pour les Aventuriers pour me considérer moi-même comme un Aventurier. A côté d'eux, je suis un tout petit joueur. (Sourire) J'ai une appétence folle pour l'aventure, j'aime le voyage, le dépaysement, le dépassement de soi, je suis un sportif, mais je ne veux pas me prendre pour quelqu'un d'autre, même si c'est parfois très à la mode.(sourire). Plus qu'un aventurier, je me considère comme un voyageur.
Justement, pour vous l'évasion rime avec…
Découverte, rencontre, silence, partage… Au bord de la mer… En montagne. Sur un petit îlot perdu ou dans une grande mégalopole… J'ai en moi le sens inné du voyage et de la découverte en dehors des sentiers battus et finalement, je réalise que je n'ai pas besoin d'être sur une île déserte pour m'évader. (Sourire)